Gulinar
Chants d'amour et de danses
Compositeur : Issa
MUSIQUE DU KURDISTAN - Vol. 2
Comme les musiciens arabes, les musiciens kurdes ? mais aussi arméniens, assyro-chaldéens, et jusqu'aux azéris ? utilisent les quarts de ton (Vol. 1 ? AAA 127). En réalité les intervalles pratiqués par les musiciens kurdes continuent à connaître de petites nuances d'un maqam à l'autre, d'une région à l'autre, et quelquefois... d'un musicien à l'autre... aussi bien dans les musiques classiques que populaires.
Dans le cas particulier des Kurdes, les nuances naturelles entre régions ont été influencées par les différents environnements culturels, et les Kurdes utilisent donc à l'heure actuelle des intervalles assez proches de ceux des musiques populaires des pays où ils résident.
Où l'on entre dans le domaine du "goût"...
Il est indéniable que les musiciens kurdes privilégient certains maqam-s, (notamment le husseyni), et que leur manière de les interpréter est particulièrement reconnaissable.
Toutefois, il serait insuffisant de s'en tenir à la description d'éventuelles différences techniques entre les façons dont les Kurdes, les Arabes, les Turcs ou les Arméniens interprètent tel ou tel maqam...
Il paraît plus pertinent, pour qui cherche à discerner les spécificités respectives de populations aussi voisines, de ne pas ignorer que le style kurde en musique n'est qu'un des éléments d'un "goût" collectif global.
Ce "goût" caractéristique a ceci de surprenant qu'il subsiste au milieu des autres populations ayant, elles aussi, leurs "goûts" reconnaissables, dans des domaines aussi variés que la littérature écrite ou orale, le vêtement, l'ornementation des tapis, et... la cuisine...
Par exemple, c'est bien ce "goût" particulier qui, en dépit de l'interdiction de leur langue en Turquie, est toujours identifiable à travers les chants des troubadours kurdes, les dengbêj, même quand ils ne peuvent chanter qu'en langue turque...
Ainsi, ces "goûts" distincts se manifestent à travers l'utilisation spécifique que ces populations voisines font des maqam-s, des instruments, voire des images poétiques, pourtant identiques.
Il existe néanmoins des formes de poésie chantée particulières aux Kurdes, les ser-s (prononcer shère), dont le texte semi-improvisé est tour à tour déclamé et chanté.
Mais il y a surtout, quel que soit le type de chanson, une liberté de ton qui, de la critique moqueuse d'un ami indélicat, à la description très directe des charmes de quelque belle du village, ignore bien souvent les préjugés et les convenances du Moyen-Orient...
Les chansons d'amour sont également très prisées de ce peuple qui, de la jeune fille au vieillard, trouve là un moyen d'exprimer (ou de se remémorer) ses émois secrets...
Où l'on apprécie le talent d'un jeune virtuose : Issa...
Quand les enfants chantent et dansent avec les grands dans les mariages, il ne faut pas s'étonner que de ce "bouillon de culture" émergent les musiciens de la nouvelle génération...
Mais Issa est un phénomène ! ...
Porteur d'une incontestable authenticité culturelle, reflet de siècles de musique kurde, Issa fait partie de cette nouvelle génération de musiciens qui nous font partager les fruits de leurs recherches et de leurs rencontres...
Il a une profonde connaissance de la musique kurde des différentes régions : il la chante, il la danse également, mais surtout il la vit, et la respire quotidiennement...
Mille fois il a écouté les vieilles bandes que son père avait enregistrées dès les années cinquante, lors de soirées où les amis de passage remerciaient leur hôte en chantant jusqu'au petit matin...
De ces archives il a extrait des perles...
Ce qui surprend réellement, c'est l'aisance avec laquelle il insuffle une nouvelle vitalité à ces chansons, après les avoir sorties de l'oubli et débarrassées de certaines tournures un peu archaïques.
Grâce à cette cure de rajeunissement, ce qui appartenait jusque-là aux archives poussiéreuses du folklore devient soudainement plus proche, et peut alors toucher des oreilles occidentales de plus en plus exigeantes en matière de qualité musicale...
En effet, les tournées de grands artistes de "Musiques du Monde" ont peu à peu formé l'écoute d'un public qui, parti d'une simple curiosité, s'est forgé un discernement plus sélectif.
Par contre, de nombreux artistes orientaux se sont fourvoyés en imaginant qu'ils allaient avantageusement moderniser le vieux répertoire de leurs grands-pères, en adoptant la panoplie des instruments électriques importés d'Europe...
Ce type de mélange, s'il correspond à l'évolution sociologique et culturelle des pays orientaux, a jusqu'à présent rarement dépassé le niveau des chansons de variété, et paradoxalement, ne soutient pas la comparaison avec les musiques originelles des pays concernés...
Par goût personnel autant que par souci d'authenticité, Issa a préféré utiliser les instruments orientaux traditionnels, même si sa dynamique musicale est plus moderne que dans un village des montagnes du Kurdistan..., et l'on peut sans complexe comparer la qualité des compositions et des improvisations qu'il interprète dans cet album à ce que le jazz peut encore offrir de spontanéité et de plaisir musical...
Par ailleurs Issa, qui réside à Paris depuis une dizaine d'années, a eu l'occasion d'y rencontrer des musiciens issus d'horizons musicaux variés, et d'expérimenter des combinaisons instrumentales à l'intérieur desquelles chacun apporte à l'ensemble sa propre musicalité sans altération ni caricature...
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